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En quelque endroit que j'aille,
il faut fendre la presse
D'un peuple d'importuns qui fourmillent sans cesse.
L'un me heurte d'un ais, dont je suis tout froissé,
Je vois d'un autre coup mon chapeau renversé,
Là, d'un enterrement la funèbre ordonnance,
D'un pas lugubre et lent vers l'église s'avance,
Et plus loin, des laquais, l'un l'autre s'agaçants,
Font aboyer les chiens et jurer les passants.
Des paveurs, en ce lieu, me bouchent le passage ;
Là, je trouve une croix de funeste présage,
Et des couvreurs, grimpés au toit d'une maison,
En font pleuvoir l'ardoise et la tuile à foison.
Là, sur une charrette une poutre branlante
Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente
Six chevaux attelés à ce fardeau pesant
Ont peine à l'émouvoir sur le pavé glissant
D'un carrosse, en tournant, il accroche une roue,
Et du choc le renverse en un grand tas de boue,
Quand un autre à l'instant s'efforçant de passer
Dans le même embarras se vient embarrasser.
Vingt carrosses bientôt arrivant à la file
Y sont en moins de rien suivis de plus de mille
Et, pour surcroît de maux, un sort malencontreux
Conduit en cet endroit un grand troupeau de bufs
Chacun prétend passer ; l'un mugit, l'autre jure ;
Des mulets en sonnant augmentent le murmure ;
Aussitôt, cent chevaux dans la foule appelés
De l'embarras qui croit ferment les défilés,
Et partout, des passants enchaînant les brigades,
Au milieu de la paix font voir les barricades.
On n'entend que des cris poussés confusément
Dieu pour s'y faire ouïr tonnerait vainement.
BOILEAU (Satire
117)
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